pour la  langue et la culture régionales en Alsace et en Moselle germanophone

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Le flamand : quelle définition ?

C’est avec satisfaction que la FEDERATION des langues régionales germaniques de France en Alsace, Moselle et Flandre, qui, depuis plusieurs années déjà, avait sollicité directement le Ministère de l’Education nationale, a pris connaissance de l’inscription récente et tardive du flamand dans la liste des langues régionales métropolitaines ouvrant ainsi légalement la possibilité de son enseignement. Mais aucun lien n’est fait avec la langue standard, le néerlandais. Ce qui est fort regrettable.

 

En effet, au sens de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, le flamand/néerlandais était la seule langue (métropolitaine) encore absente de la liste établie en 2001 par Jack LANG, alors ministre de l’Education nationale. Il serait d’ailleurs intéressant de connaître pourquoi ce parler régional qui concerne un territoire peuplé par 250 000 personnes, soit autant que le territoire de langue basque, a été volontairement omis de cette liste alors qu’il figurait dans le recensement exhaustif établi par le professeur Cerquiglini dans son rapport, une dizaine d’années auparavant.

 

Cependant il est tout à fait regrettable que la circulaire du MEN du 14.12.2021 ne semble mentionner pour l’enseignement que les seules formes dialectales, à savoir le Vlaemsch du Westhoek historiquement présent en France, essentiellement dans l’arrondissement de Dunkerque, sans établir de liens avec la forme standard, à savoir le néerlandais, langue officielle et d’enseignement des Pays-Bas et surtout de toute la proche Belgique flamande, qui possède le même dialecte sur une partie de son territoire linguistique.

 

Or, de la même manière que la définition officielle de la langue régionale d’Alsace de 2003 reprise en 2007/2008 comprend les deux formes de la langue régionale, l’allemand standard historique (Hochdeutsch) et les variantes dialectales alémaniques et franciques (Elsasser Deutsch ou Ditsch), le néerlandais (Nederlands) est la forme standard, littéraire et historique de la langue régionale de la Flandre française dont le flamand du Westhoek présent dans l’arrondissement de Dunkerque, est d’une des variantes dialectales.

 

En Flandre française, le mouvement de l'unification de la langue standard a été volontairement contrarié : en 1860, l'administration impériale (Napoléon III) a interdit l'utilisation du néerlandais dans différents domaines de l’écrit dont l’enseignement (comme cela a été largement le cas aussi en Alsace et Moselle pour l’allemand dans l'enseignement en 1859). De ce fait, l’essentiel du mouvement d’unification linguistique s’est ensuite déroulé largement en Flandre belge et aux Pays-Bas.

 

Il y a souvent confusion tant au niveau régional que national sur la nature des langues présentes sur les territoires d’Alsace, de Moselle et de Flandre : certains locuteurs ou partisans souhaitent en effet un enseignement avec un usage exclusif des formes dialectales locales. Ces langues (comme le français et ses parlers locaux historiques) ont pourtant au fil de l’histoire disposé d’une langue « toit » codifiée, disposant de sa terminologie propre, de son orthographe et grammaire, d’une littérature extrêmement abondante y compris pour l’enfance, de radios, de canaux de télévisions, d’une presse quotidienne, hebdomadaire et mensuelle, de dictionnaires régulièrement mis à jour, de films et documentaires, ainsi que d’une officialisation et du soutien des pouvoirs publics des pays concernés, soit une légitimité acquise durant plusieurs siècles.

 

Au contraire, les dialectes sont essentiellement restés des langues orales évolutives et non codifiées, écrites par chaque auteur selon ses propres règles et connaissances, des parlers très variables d’un village à l’autre, avec des groupes linguistiques très distincts, comme en Moselle germanophone et en Alsace, même si une intercompréhension reste possible.

 

Il est fortement à craindre que la voie d’un enseignement exclusivement en dialecte conduise la Flandre française dans une impasse linguistique irréversible et en particulier empêchera la création de classes bilingues paritaires de la maternelle au lycée.

De nombreux facteurs rendent l’enseignement de masse des formes dialectales quasiment impossible : outre la coupure à terme du continuum linguistique avec les pays voisins, il faut ajouter le très bas nombre de locuteurs encore en âge d’enseigner le ou en dialecte, la rareté de ceux qui ont pu être alphabétisés dans leur dialecte, la faiblesse qualitative et quantitative de la pratique dialectale actuelle dans le contexte familial et social, l’absence de dialecte standard ou unifié, le défaut d’une grammaire et d’une orthographe codifiées et officielles, la faiblesse quantitative, parfois qualitative aussi, de la littérature disponible. La création des supports nécessaires à l’enseignement, du CP au baccalauréat, demandera ainsi un énorme investissement intellectuel et en temps de la part des rares locuteurs maîtrisant le dialecte et de surcroit un financement très conséquent.

 

Notre fédération nationale a été constituée pour assurer l’avenir, à ce jour compromis, de l’usage régional de deux langues germaniques à dimension européenne, l’allemand et le néerlandais et aussi de leurs variantes dialectales. Les deux langues standard, contrairement aux autres langues régionales, ont dans notre système d’enseignement également le statut de langues vivantes étrangères. Elles doivent trouver leur épanouissement dans un enrichissement culturel, linguistique et démocratique préfigurateur de la diversité au sein de l’Union européenne. Elles disposent de tous les atouts de langues européennes officielles : des systèmes d’enseignement efficaces, des manuels existants, des établissements et des familles d’accueil pour des séquences d’immersion, des universités et un prestige important.

Ces langues, particulièrement utiles au niveau européen et international, constituent des outils majeurs de promotion sociale, et surtout des avantages essentiels sur le marché du travail, régional, national, transfrontalier, international, pour l’économie régionale tout en facilitant les relations transfrontalières.

 

Nos trois régions linguistiques ont toutes utilisé historiquement la langue standard à l’écrit et dans l 'enseignement.

Pour ces raisons notre fédération pose comme objectif et principe l’enseignement de et dans la langue régionale sous sa forme littéraire et standard, accompagné tout au long de la scolarité de séquences de sensibilisation et de familiarisation orales avec la forme dialectale en usage dans le territoire concerné.

Toute autre voie nous parait vouée à l’échec et ne pouvoir concerner à terme que peu d’élèves avec des résultats désolants au regard des importants efforts intellectuels et financiers nécessaires. La seule voie efficace pour soutenir nos dialectes qu’ils soient flamands, franciques ou alémaniques c’est, en l’état actuel de nos pratiques linguistiques, de prendre appui sur l’acquisition au cours de la scolarité d’une maîtrise de qualité des standards issus de notre histoire linguistique : Nederlands et Hochdeutsch permettent en outre l’établissement de continuums linguistiques européens et de raviver les pratiques régionales tant dialectales que de ces standards.

Entrevue à la DGESCO au Ministère de l’Education nationale, avec M. HUART

Le 23 août 2016

Délégation alsacienne et flamande

Définition de la langue régionale de Flandre proposée au Ministre

Le néerlandais (Nederlands), sous sa forme littéraire et standard et ses formes dialectales (Vlaemsch), propres à l'arrondissement de Dunkerque et à quelques communes du Pas-de-Calais, constituent la langue régionale de la Flandre française.

 

Ce qui pourrait donner dans une définition réglementaire en se basant sur l’exemple de l’Alsace et de la Moselle germanophone :

« La langue régionale existe en Flandre française sous deux formes, les dialectes parlés dans l'arrondissement de Dunkerque, dialectes du néerlandais d'une part, le néerlandais standard de l'autre. Le néerlandais présente en effet du point de vue éducatif, la triple vertu d'être à la fois l'expression écrite et la langue de référence des dialectes flamands régionaux, la langue principale des pays les plus voisins, une importante langue de diffusion européenne et internationale. »

Monique Matter - Patrick Kleinclaus

Cet article est paru dans la Heimet janvier 2022 revue de l’association Heimetsproch un Tradition.