Une large majorité s’est dégagée pour la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Le 28 janvier, 361 députés - dont les 15 députés alsaciens et des députés mosellans (Céleste Lett notamment) - sur 577 ont voté pour et 149 contre. Ces 361 votes positifs représentent 70,8% des voix exprimées. Après 15 ans d’oppositions et de blocages, une avancée se dessine. Leur vote en faveur d’une modification de la Constitution est le prélude à la ratification. Le 22 janvier dernier, les députés alsaciens, basques, bretons, catalans, corses, occitans… tous bancs confondus avaient avec beaucoup d’enthousiasme défendu la ratification de la Charte. Le gouvernement va pouvoir reprendre la procédure sur la forme d’un projet de loi constitutionnel afin que le Congrès l’adopte pour modifier la Constitution. Certains parlent aussi d’un référendum. Un mirage ? Maintenant la parole est au Sénat, avant que le texte ne revienne devant l’Assemblée nationale. Mais d’aucuns craignent fortement que toute cette procédure ne soit que symbolique, de pure forme. On peut comprendre leurs réticences.
Débats vifs
Les débats ont été très animés, surtout au sein des opposants. La plus forte opposition viendra de l’UMP. Mais pour respecter les sensibilités régionales, le vote aura été libre. Dans son long discours, Henri Guaino sera le plus agressif. Il affirme qu’un vote positif « C’est un retour aux principautés et féodalités du Moyen Age » et qu’il s’agit d’une manœuvre des « nombreux groupes de pression ethnicistes » et conclut : « Dans mon cœur, il y a d’abord la France et le français, et après, il y a le reste. »
Sur les travées de la majorité, les réactions ont été diverses. Les chevénementistes et les mélenchonistes ont évoqué, au sein de la majorité, le risque de «fragmentation de la République». Il y a eu celle mesurée du député PS du Bas-Rhin, Armand Jung : « Est-il vraiment nécessaire de rappeler (…) que les langues régionales ne menacent pas l’unicité de notre République et que la France n’est pas une citadelle assiégée ? Reconnaître les langues régionales ne signifie pas que l’on cède à des pressions communautaristes ! La République, la nôtre n’a rien à craindre des langues régionales. Bien au contraire, elle a besoin, aux côtés d’une langue française forte, de langues et de cultures régionales qui font la richesse de notre pays. A mon sens, il n’y a pas d’avenir commun sans valorisation de notre histoire et de nos racines.» A une autre occasion, il parle d’« un immense espoir et tout le monde doit le soutenir.»
Les députés corses et bretons se sont vertement moqués d’Henri Guaino. Le député de la Haute-Corse, Paul Giaccobi, Président du Conseil exécutif de Corse, ironise : « Vous présentez une vision d’enfer médiéval que vivent au quotidien les malheureux citoyens de la Grande Bretagne, de l’Allemagne, l’Espagne et les Etats-Unis… ». Le député PS François Pupponi rappelait que « les Poilus à Verdun tombaient en parlant deux langues, cela ne les empêchaient pas de tomber pour la France. » Comme Armand Jung, Paul Giaccobbi ajoutait : « Les langues régionales ne menacent personne, encore moins la République. »
Après le vote
Patrick Hetzel député UMP du Bas-Rhin
« Je suis en phase avec les associations, on pourrait aller plus loin. Mais la question est de savoir si ça va dans le bon sens et la réponse est oui. Le parcours juridique est encore long mais ensuite c’est le travail des élus de continuer le combat. Le but est de donner un statut aux langues régionales et par le levier de la Charte de leur donner du poids au quotidien… »
Le Président du Conseil Général du Haut-Rhin Charles Buttner
« Ce vote est une étape essentielle (…) C’est de bon augure pour la suite du processus que le Département du Haut-Rhin continuera à suivre avec la plus grande vigilance. (…) Ce vote doit être interprété comme un symbole fort. Il témoigne du nouveau regard que la France porte aujourd’hui sur ces langues régionales, sur les richesses, culturelle, sociales qu’elles représentent (…) Le Conseil Général du Haut-Rhin s’engagera à appliquer les dispositions qui concernent les collectivités locales dans la Charte (…) parallèlement aux nombreuses actions qu’il mène déjà pour la promotion de la langue régionale, que cela soit en soutien des partenaires associatifs, au titre des aides apportées pour le développement de l’enseignement bilingue, ou encore dans le cadre de la coopération récemment initiée avec la Corse. »
Ami -Hebdo/Volksfreund 9.2.2014