bilinguisme des plaques de rues

Plaque bilingue de rues à l’Ecomusée d’Alsace -Ungersheim

 

Le Comité Fédéral pour la langue et la culture régionales en Alsace et en Moselle a adressé un courrier aux Dernières Nouvelles d’Alsace, puis à d’autres publications le 20 août 2015.
C'est avec un grand intérêt que j'ai pris connaissance de vos articles sur la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires dans les DNA du 19 août, dont notre fédération attend la ratification par la France depuis de nombreuses années.
La République sera-t-elle capable de sortir de la crainte ridicule d'un éclatement de la Nation en acceptant enfin de donner à nos langues et cultures régionales un espace ouvert suffisant pour leur pérennité, permettant ainsi un renouveau de dynamisme culturel et économique profitable à tout notre pays ?

Si la ratification représente un tout premier pas puisque le gouvernement n'a retenu qu’un grand tiers des engagements proposés par la Charte, ce sera cependant un pas très important pour toutes les langues régionales et de plus un pas vers plus de démocratie dans notre pays hostile depuis plusieurs siècles à sa diversité linguistique. Aussi nous attendons le soutien inconditionnel de tous les élus nationaux alsaciens et mosellans. Tout nouveau prétexte pour tenter d’empêcher la ratification sera considéré comme inamical pour la langue régionale de l’Alsace et de la Moselle germanophone et ses locuteurs.
Par ce courrier je souhaite aussi vous faire part d'un regard plus constructif sur l'affichage bilingue des rues et des entrées d'agglomération.
Autant il est vital pour une langue régionale de s'afficher dans l'espace public autant nous sommes surpris par la discrimination notoire que subit la forme écrite et standard de notre langue régionale dans l'affichage réalisé dans nombre de communes. L'allemand standard et littéraire est quasi absent de notre signalétique régionale sauf dans quelques rares communes. En effet, il n'est question que de dialecte. En imposant le dialecte, par le biais de subventions, l’on nous coupe de la réalité de notre histoire et de notre culture. L'Alsace est l’un des principaux berceaux de la langue commune aux dialectes germaniques, l'allemand standard et littéraire, Hochdeutsch, car les imprimeurs ! strasbourgeois et les premiers auteurs alsaciens et rhénans y ont participé d'une manière très active. Les exemples que vous montrez en photos ne comportent que des noms écrits en dialecte et de très faibles tailles comparées à l’écrit en français.
Aussi le cas de Strasbourg que vous citez est tout particulièrement navrant. Avec « Strossburi » la municipalité folklorisera volontairement le nom de notre belle capitale européenne et régionale! C'est un message très négatif, peut-être même anti-allemand, qui est ainsi envoyé à nos partenaires de la construction européenne et quelque part un véritable coup de frein réel à l'amitié franco-allemande.


Une vraie signalétique bilingue consiste en premier lieu à retenir le nom que les habitants avaient choisi il y a quinze siècles. Et en second lieu à utiliser pour le français, langue nationale, et la langue régionale des caractères identiques et de mêmes dimensions. Rien n’empêche d’y ajouter en sous-titrage italique l’expression dialectale actuelle.
Ce raisonnement peut être appliqué aux plaques portant nos noms de rues, de lieux, de sites et de communes en reprenant l’appellation qui figure au cadastre napoléonien et dans les registres et actes communaux sous la forme standard.
Au demeurant la survie du dialecte n'est absolument pas garantie par son utilisation écrite dans la signalétique : en effet pour savoir lire le dialecte il faut savoir le parler. Un non-dialectophone, Alsacien ou autre, découvrant un nom de commune ou de rue libellé seulement en dialecte , utilisera la prononciation française, ce qui ôtera tout sens au mot ; alors que la poésie, la chanson, le théâtre, oralisés par des dialectophones font sens.
C'est en associant et valorisant les deux formes de la langue régionale que l'Alsace affirmera son attachement à sa double culture et en tirera profit dans l'espace rhénan et européen.
Monique Matter, Présidente du Comité fédéral