pour la  langue et la culture régionales en Alsace et en Moselle germanophone

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ALSACE : Etat du bilinguisme, de la maîtrise et de la pratique de la langue régionale en 2020

Une langue régionale longtemps dominante dotée d’un standard historique et de variantes dialectales

L’allemand était resté, sauf exceptions locales, la langue d’enseignement dans le premier degré effective jusqu’en 1859, date où son utilisation scolaire et son enseignement ont été supprimés et remplacés quasi exclusivement par le français. Après la Première Guerre mondiale, les autorités sont contraintes par les protestations et les élus de redonner une place scolaire plus importante à l’allemand. De ce fait la pratique dialectale et de la langue standard se maintient.

Mais après, des mesures répressives sur une longue durée mettent la vie de langue régionale dans ses deux parties et l’avenir de l’Alsace en grand danger.

L’allemand était resté, sauf exceptions locales, la langue d’enseignement dans le premier degré effective jusqu’en 1859, date où son utilisation scolaire et son enseignement ont été supprimés et remplacés quasi exclusivement par le français. Après la Première Guerre mondiale, les autorités sont contraintes par les protestations et les élus de redonner une place scolaire plus importante à l’allemand. De ce fait la pratique dialectale et de la langue standard se maintient.

 

En 1950, 90% du tirage des quotidiens alsaciens concernait encore l’édition en langue régionale (allemand standard). Compte tenu des étroites zones welches historiquement romanophones/ francophones et non germanophones l’on peut estimer qu’à cette période la population alsacienne est encore germanophone en quasi-totalité et parle au quotidien l’un de nos dialectes (formes vernaculaires) tout en écrivant et lisant en langue standard historique l’allemand depuis le XVe siècle

Des mesures répressives renforcées après la Seconde Guerre mondiale

A la fin de la 2e Guerre mondiale, en 1944 et 45, interviennent différentes mesures et lois qui restreignent peu à peu la transmission des dialectes et la maîtrise de la langue standard :

  • la disparition en Alsace/Moselle de l’enseignement de l’allemand et en allemand à l’école primaire qui existait de 1920 à 39 (au début un enseignement limité). Après 1927, des matières en allemand au Certificat d’Etudes dictée, rédaction et chants/poèmes. Le certificat d’études primaires comportait de l’allemand obligatoire. C’était une spécificité alsacienne /mosellane, sans équivalent à l’époque dans d’autres régions, obtenue grâce leur obstination par les élus et la population entre 1920 et 1927et jusqu’en 1939.
  • la répression généralisée et organisée de la pratique dialectale à l’école et dans tous les établissements scolaires du second degré d’Alsace et de Moselle
  • -la suppression et interdiction de tout enseignement de et en allemand à l’école primaire, contrairement à d’autres régions où à partir de 1950 la langue locale peut y être enseignée et/ou utilisée quelques heures hebdomadaires dès le primaire, voire la maternelle.
  • des dispositions contraignantes pour la presse écrite imposant le français dans tous les articles destinés à la jeunesse et les rubriques sportives.
  • le cinéma en allemand est cantonné dans quelques salles, le théâtre amateur ou professionnel en allemand disparaît. Le théâtre dialectal dans un cadre populaire amateur se maintient, mais hors du cadre professionnel.

 

Une pratique sociale longtemps active malgré les mesures restrictives, mais un déclin inéluctable

Différentes séquences en langue régionale subsistaient sur la radio et la télévision de service public tant en dialecte qu’en allemand. Les émissions télévisées en dialecte sont réduites à quelques minutes hebdomadaires en 1990, les informations en allemand sur la radio de service public s’évanouissent discrètement quelques années après. Les derniers formulaires administratifs bilingues français /allemand disparaissent dans les années 1980.

Pendant 30 ans jusqu’en 1978 les deux Conseils généraux demandent en vain chaque année le retour à l’enseignement obligatoire de l’allemand tel qu’existant entre 1927 et 1939.

Un modeste enseignement de l’allemand mal généralisé et faisant appel à la base dialectale est difficilement obtenu à partir de 1975 mais seulement dans les deux dernières années de scolarité et les Conseils généraux renoncent à demander qu’il soit obligatoire, mais souhaitent son extension et son développement. Une réactivation est finalement obtenue à partir de 1983.La place de l’allemand est aussi légèrement renforcée dans le second degré. Cet enseignement restreint ne donnera des résultats tangibles que pour les élèves germanophones familiaux.

 

Les premières classes bilingues

Au même moment (1982 et 1983) des classes bilingues à parité horaire débutent dès l’entrée en maternelle en Pays basque et Bretagne et se poursuivent dans le second degré. Ces deux régions disposaient depuis 1969 et 1972 d’écoles associatives immersives.

Il ne sera possible de les étendre en Alsace aux écoles publiques qu’en 1992, soit après la création volontariste en 1991 de classes bilingues à parité horaire dans un cadre associatif et dans une école privée catholique. L’extension s’est ensuite faite à des collèges en continuité éducative et jusqu’en 2015 la plupart de ceux-ci offraient un enseignement bilingue à parité horaire (collèges privés) voir plus ou (dans le secteur public) assez proche de la parité soit de 9 à 12h hebdomadaires.

Après 30 ans d’existence de la voie bilingue à parité horaire, il est intéressant d’examiner la situation à la rentrée 2019/2020 :

L’enseignement précoce de l’allemand est de retour progressivement après 1992 dans quasiment toutes les écoles primaires publiques de l’académie avec trois heures annoncées par semaine, celui de l’anglais (à l’école primaire) se réduisant peu à peu. En fait cet horaire théorique est assez peu respecté d’où trop peu de résultats scolaires positifs. Il démarre en théorie dès la maternelle. Mais l’allemand effectue une importante remontée à tous les niveaux. Associé à l ’anglais en 6è il y reste présent en 2019 en collège pour 95% des élèves. Une poignée des écoles primaires privées dans le Bas-Rhin privilégie cependant l’anglais dans les premier et second degrés.

 

La situation de l’enseignement bilingue

L’enseignement associatif bilingue est resté limité au seul premier degré soit en Alsace 900 élèves un chiffre stable. La part de la langue régionale s’est élargie à deux tiers en maternelle avec des apports dialectaux. Depuis peu cet enseignement est passé en maternelle à une forme d’immersion totale en langue régionale avec 50% d’activités dialectales et 50% en langue historique standard. Au-delà en élémentaire la parité horaire français /langue régionale standard reste la règle.

Dans l’enseignement privé confessionnel, l’enseignement bilingue est assez peu développé dans le Bas-Rhin où il ne concerne que trois établissements au total, mais il s’est développé considérablement dans le Haut-Rhin où les deux tiers des établissements privés confessionnels du premier et du second degrés sont concernés. La parité horaire y est strictement respectée en général. Plus de 2000 élèves du secteur privé sont scolarisés dans l’académie au niveau du collège auxquels s’ajoutent 165 inscrits en Abibac.

Dans l’enseignement public et privé du 1er degré la proportion en voie bilingue est nettement plus élevée dans le Haut-Rhin à tous les niveaux d’enseignement. Sur l’académie les 31085 élèves bilingues en primaire représentent 17,5% de l’effectif (sur 178 000 élèves) et en collège 6848 élève soit environ 7% du total (88 000).. En lycée public, l’option ABIBAC regroupe 1570 élèves (4,5% de l’(enseignement général).

 

L’évolution récente

Depuis 5 ans la création de sites bilingues en primaire s’est quasiment arrêtée, sauf quelques-uns dans le Bas-Rhin, territoire historiquement et proportionnellement moins pourvu, le développement des effectifs se poursuivant néanmoins dans les sites existants. C’est ainsi que, malgré ce freinage, sur 10 ans entre 2010 et 2020 les effectifs ont approximativement doublé.

Il n’y a plus guère d’enfants dialectophones dans les écoles. La cause de ce freinage de la voie bilingue vient d’un manque récurrent d’enseignants suffisamment germanophones, une évolution qui est bien sûr à l’image de la situation linguistique alsacienne. Les dispositifs de recrutement par concours favorisent en effet nettement les candidats francophones plus ou moins bilingues en excluant en pratique tous les germanophones natifs qui ne parlent pas le français à la perfection. Compte tenu de ce trop faible niveau linguistique soit en allemand des candidats français, soit en français des candidats allemands une partie importante des postes réservés à la langue régionale n’est pas pourvue chaque année depuis 2003.Les postes sont en pratique attribués in fine aux candidats monolingues. De ce fait, le déficit d’enseignants pour l’allemand en voie bilingue reste chronique, voire s’amplifie dans les premier et second degrés. L’académie n’a pas mis en place de dispositif pour compenser cette inégalité grave devant les concours et faciliter le recrutement de locuteurs natifs.

De ce fait l’académie a renoncé de toute évidence en pratique à respecter la parité horaire dans les collèges. Si 8 heures hebdomadaires minimales étaient encore prévues en 2015 dans les documents d’information, l’exigence semble y être nettement moindre en 2020. Il est annoncé quatre heures de cours d’allemand et sans précision une ou deux disciplines partiellement en allemand. En fait ces pseudos sections bilingues sont calquées sur les classes européennes supprimées en 2015 en collège et offrent un contenu linguistique très insuffisant.

 

La langue dans l’espace public : une situation critique

Dans les années 1980 quelques communes rurales avaient réalisé des plaques de rues bilingues avec des caractères équivalents et présentées en Hochdeutsch, la langue régionale standard. Le nombre de plaques bilingues a augmenté récemment mais au profit de caractères plus petits et de textes exclusivement dialectaux. Les noms des communes historiquement « en langue standard » ou les noms francisés par l’administration sont à présent accompagnés de sous-titrages dialectaux au détriment des appellations historiques d’origine. Une folklorisation certaine et visuelle de la langue régionale est à l’œuvre.

Les quotidiens alsaciens n’ont plus d’édition bilingue depuis plusieurs années, mais il reste un supplément, Rheinblick de 8 pages en allemand accessible par voie d’abonnement, Les informations radiodiffusées et les rares émissions de télévision en allemand ont disparu. Il reste toutefois quelques minutes quotidiennes locales d’actualités locales en dialecte sur FR3. Le théâtre dialectal a perdu un certain nombre de troupes et a de la peine à trouver des acteurs jeunes. Il est obligé de mettre en place des cours de langue ; les élèves de la voie bilingue déjà en partie germanophones y ont un accès nettement plus aisé à la pratique dialectale. Patrick Kleinclaus