Le Panier de houblon est triste Claude Vigée est parti rejoindre son épouse

 

Claude VigéeIl est décédé le 2 octobre dernier à quelques mois de son centenaire. Il fut un grand humaniste, un grand écrivain exceptionnel et atypique, refusant la babarie nazie, en lui opposant ses écrits. Face au bannissement géographique et à la rupture linguistique, il en appelle au souffle de la vie. Car « l’Homme naît grâce au cri ». L’Alsace est, pour lui, associée à la guerre et la perte, mais il lui reste totalement attaché.

En 1940, Claude André Strauss prend le nom de Claude Vigée, il s’impose comme vivant au moment où la mort triomphe et Juif face aux interdictions de Vichy. Après avoir enseigné dans des universités aux Etats-Unis, il devient professeur à l’université hébraique de Jérusalem.

Quelques œuvres viennent à l’esprit : La lune d’hiver, La Parfum et la Cendre, le Panier de houblon, Un amandier vit à Jérusalem Schwàarzi Sengessle flackere im Wind (les Orties noires flambent dans le vent) Wénderôwefîr (le feu d’une nuit d’hiver). Il repose à côté de son épouse et de son fils au cimetière juif de Bischwiller.

Deux avis :

«  Par delà les océans, les mers et en Alsace, beaucoup perdent jun ami fidéle, dont la voix si douce et chantante murmurait à l’oreille sa foi dans la grâce. Pour Adrien Finck, relève sa fille Michèle, Claude Viegée ‘a su assumer dans le tréfonds de sa langue toutes les virtualistés d’un destin alsacien transmué en ce qu’il appelait une alsacianité de l’esprit’ qui peut parler aux générations futures »

Veneranda Paladino. DNA 4.10.20

„ Seit 1950 veröfentliche er regelmäβig seine Gedichte in Frankreich. 2001 lief er sich endgültig in Paris nieder um sich ganz seinem Werk (und seiner kranken Frau) zu widmen. Um erneut wieder zurückzukehren in den Elsässer Dialekt, der auch die Ausdrucksform seiner tiefen Existenzangst angesichts des Libanonkrieges 1982 gewesen war, den er in Jerusalem als schmerzliches Traum erlebte (…) Das Elsass und die europäische Literatur sind um eine Stimme ärmer geworden.“ Paul Assal Badische Zeitung 7.10.20

Trois textes

Répression linguistique

„A l’école régnait la dictature du français qui était aussi anti-allemande qu’hostile au dialecte alsacien (…) Quand on glisse tout à coup à 5 ans d’un idiome que l’on parle naturellement dès la première enfance à une autre langue qui vous aliène à votre entourage protecteur et familier, tout l’acquis est nié, l’existence remise en question, l’univers familial remplacé par un monde sonore et symbolique absolument étranger. Cette expérience traumatique a été vécue en groupe avec tous les camarades d’école (…) Marqués au fer rouge du dépaysement linguistique et flagellés d’ortis, nous subîmes à notre corps défendant une initiation à l’exil, au sein même du pays natal. » Claude Vigée. Les Orties noires flambent dans le vent

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Qu’est-ce qui est arrivé à ma génération, aux enfants qui étaient avec moi à la salle d’asile, comme on appelait l’école maternelle à Bischwiller ? Quel est le destinb de ma génération, une génération vouée aju désastre ? Naissance d’un poème.

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Em letschde kriesch, züem beischpièl

Saawe se mièr emol màddàm Glopfhammer,

wusénn denn àlli die berschtle

dort iwerààl ànnegschleppt worre?

- Ay d’Juddebièwle uff Auschwitz,

uff Belse’nodder uff Maidanek,

un Kréschtebièwle uff Tambow,

e jeder schteckt ém en àndere n’eck. (…)

 

Schwarzi Sengessle flâckere ém wind

Adaptation en français

Un exemple probant, choisi entre beaucoup :

Dans la dernière guerre, dites-moi donc jusqu’où

Nos pauvres jouvenceaux n’ont-ils pas dû s’égailler ?

Les petits Juifs,- en ballade à Auschwitz, à Belsen ou à Maïdanek,-

les petits chrétiens à Tambov :

on a beau les chercher,chacun

niche dans un autre coin !